Décrochage et continuité

 

Décrochage scolaire... Une question de continuité.


La sortie prématurée du système scolaire -ou décrochage scolaire- concerne le plus souvent les élèves du collège, voire du lycée. Or, de nombreux chercheurs soulignent que « […] les dossiers scolaires des élèves sortis du système sans qualification donnaient à voir de grandes difficultés sur le plan des apprentissages bien avant des signes de ruptures de la relation pédagogique » (Bonnery, 2003).

L'analyse du processus complexe qu'est le décrochage doit se faire en amont du collège : ce que l'on nomme le passage « primaire-collège » constitue un des éléments déclencheurs d'une difficulté larvée. Bien souvent, l'analyse a posteriori du parcours scolaire de décrocheurs montre que leur scolarité au primaire s'est faite sans heurt apparent, qu'ils en ont un assez bon souvenir. Ces élèves peuvent avoir l'illusion de ne pas trop mal s'en sortir. Lorsqu'ils arrivent au collège, ils sont mis face à leurs difficultés d'apprentissage, sans avoir la possibilité de compromis et d'adaptation. D'où la mise en place de postures de repli ou de résistance.

Dans la circulaire de rentrée, une des cinq grandes priorités fixées par le ministère est intitulée : « Atteindre des objectifs ambitieux de baisse du décrochage scolaire ». Cependant seuls sont évoqués les personnels des collèges, lycées et CIO avec par exemple la désignation -dans chaque établissement connaissant un fort taux d'absentéisme- d'un « référent décrochage scolaire » chargé-e de coordonner les différentes actions, faire le lien avec les parents...

C'est dans le chapitre « Rénover le collège unique » que le renforcement des liens avec l'école élémentaire est cité. La mise en place d'un conseil école-collège à vocation exclusivement pédagogique est annoncée, préfiguration d'un futur cycle d'apprentissage associant CM2 et 6ème. Sans autre précision qu'une énième version simplifiée du Livret Personnel de Compétences et l'apparition d'un « parcours d'information, d'orientation et de découverte du monde économique et professionnel ».

La DEPP* avait interrogé 1500 enseignants-es des 1er et 2nd degrés sur les origines de la grande difficulté scolaire : « l'environnement dans lequel évolue l'élève, l'organisation du système scolaire (absence de prise en charge des élèves en grande difficulté, décalage entre les programmes et les capacité des élèves...), la non-implication des familles dans le travail scolaire de leurs enfants... » furent leurs principales réponses. Ils-elles avaient donc incriminé des facteurs externes sur lesquels ils-elles n'avaient pas directement prise. Peu d'entre eux-elles avaient mentionné des causes d'ordre pédagogiques.

Pour la CGT Educ'action, la création d'un conseil école-collège pose la question de l'évaluation et de la généralisation des expériences déjà menées. Un nouveau cycle d'apprentissage aura aussi des conséquences sur la sectorisation scolaire. Nous devons évaluer l'impact des « commissions de liaison », réfléchir collectivement à comment améliorer la coordination et les échanges pédagogiques entre enseignants-es du 1er et du 2nd degré. Nous devons continuer à revendiquer des formations initiale et continue ambitieuses où enseignants-es des 1er et 2nd degrés, enseignants-es spécialisés-es (la question du maintien et de l'extension -y compris dans le secondaire- des Rased est plus que d'actualité) se retrouveraient régulièrement pour débattre des contenus, stratégies, postures pédagogiques à mettre en œuvre.

La question de la continuité pédagogique est essentielle si l'on veut lutter contre les difficultés, la désaffiliation, le désengagement, le désamour scolaire. La CGT Educ'action en fera l'un des thèmes de sa réflexion cette année.

Marc Le Roy

*Direction de l'Evaluation, de la Prospective et de la performance, enquête réalisée en 2005/2006)