lettre ouverte d'une documentaliste

 

 

> LETTRE OUVERTE D'UNE ENSEIGNANTE DE JEAN MOULIN :
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> > Lise Bonnafous, enseignante au Lycée Jean Moulin de Béziers, s'est immolée par le feu dans la cours à l'heure de la récréation devant des centaines de
personnes,
> adultes et adolescents compris. Depuis ce jeudi 13 octobre 10h une question me taraude : mais bon sang, pourquoi a-t-elle fait ça ? Les média se sont fait
le porte-
> voix de notre hiérarchie : elle était fragile et dépressive. Pour autant, toutes les personnes fragiles et dépressives s'immolent-elles ?
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> > D'abord qu'est ce que l'immolation ? Quand j'essaie de retrouver le sens de ce terme il y a des mots qui reviennent systématiquement : protestation par le
suicide,
> sacrifice de soi-même, symbole de résistance. Dans notre histoire contemporaine les immolations par le feu ont toujours fait l'objet d'une attention
particulière des
> média, des politiques, de l'opinion. Cela a toujours été plus ou moins le déclencheur de mouvements de protestation et, pour le moins, le point de départ
d'une
> indignation. Et la France a souvent salué ces martyrs qui se sont sacrifiés pour de nobles causes.
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> > Aujourd'hui une française s'est immolée par le feu sur son lieu de travail, acte qui, incontestablement, contient un message fort.et, pourtant, là : rien, il ne
se passe
> rien, on est déjà passé à une autre actualité, plus vendeuse et aucun politique n'a daigné s'exprimer sur ce geste de désespoir. L'immolation par le feu
serait-il devenu
> un acte aussi banal pour qu'il soit relégué au rang de fait divers dans nos journaux ????
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> > Je n'y crois pas, je me dis que « ce n'est pas possible, les gens n'ont pas compris, ou alors ils n'ont pas dû avoir la bonne information ??? »... mais si, on
leur a dit
> qu'une enseignante « dépressive » s'était suicidée par la pire des manières qu'il soit, et en plus devant tout le monde, chose à laquelle beaucoup d'entre
eux
> réagissent avec horreur en disant qu'elle aurait au moins pu faire ça ailleurs. C'est là que je m'aperçois que ces gens n'ont pas entendu le sens de tout cela.
Car, il faut
> le dire enfin, il s'agit bien là d'un problème qui nous concerne tous : que son devenues les conditions de travail des enseignants et quelles en sont les
conséquences ?
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> > Pour éclairer mon propos j'ai réuni quelques chiffres :
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> > a.. - 75% de l'absentéisme chez les profs est dû au burn-out, terme anglais qui qualifie un symptôme d'épuisement physique et émotionnel, comprenant
une image
> de soi-même négative envers le travail, ainsi qu'une perte d'intérêt et de préoccupation envers les gens dont nous sommes responsables ;
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> > Ce burn-out intervient chez les personnes qui doivent dépenser beaucoup d'énergie psychique et physique dans leur travail. Il concerne plus
particulièrement les
> professions liées aux relations humaines. Cette « brûlure » se manifeste chez les personnes qui s'investissent beaucoup et qui s'aperçoivent que le résultat
n'est pas à
> la hauteur, soit parce qu'ils se sont impliqués trop émotionnellement soit parce qu'ils n'ont pas mesuré leurs efforts.
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> > a.. - Deuxième chiffre : près de 40% des enseignants déclarent avoir eu au moins une fois dans leur vie une période de dépression liée directement à leur
> profession. Et, heureusement, tous ne finissent pas à la Verrière, qui accueille quand même autour de 1000 patients par an.
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> > b.. - Dernier chiffre : un taux de suicide de 39 pour 100 000 enseignants par an (en moyenne 350 par an)..pas besoin d'en dire plus sur la souffrance au
travail des
> enseignants.
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> > Alors, quand j'entends depuis quelques jours que le geste de Lise n'est que l'acte isolé d'une personne fragile, je suis en colère ! En colère contre tant
> d'aveuglement, tant de déni, tant de manipulation de l'opinion.
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> > Selon moi, le geste de Lise doit être considéré comme ce qu'il est : un acte désespéré et violent fait pour choquer les esprits et interpeller enfin toute
notre société :
> la hiérarchie, les profs, les élèves, les parents d'élèves, les hauts décisionnaires, les gouvernements et l'opinion en général. Alors, si ça arrange beaucoup
de monde
> de considéré le suicide de Lise comme un acte isolé, montrons leur à tous, que nous, enseignants, personnels, élèves et parents d'élèves, nous qui sommes
tous dans
> le même bateau, que nous ne sommes plus dupes et bien dociles, prêts à rentrer dans les rangs sans protester, montrons leur que nous serons dorénavant
nous aussi
> des indignés.
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> > La souffrance que nous imposent nos conditions de travail n'est plus tolérable, des collègues en meurent trop souvent. et c'est loin d'être de la
récupération.
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> > Alors, mes chers collègues, organisons-nous, nous avons nous aussi une révolution à faire.
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> > Marina Bardy, professeur documentaliste non syndiquée, Lycée Jean Moulin, Béziers, mardi 18 octobre 2011.
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