Mission éclair pour les directeurs d'école

La CGT Educ’Action du Var est allée à la rencontre des députées Rhillac, Gomez-Bassac et Mauborgne à la mairie de Cuers Vendredi 8 Mars 2019. Madame Rhillac, rapporteuse d’une mission parlementaire « flash » portant sur le statut de directeur, avait convié « les directeurs (trices) du Var ou leurs représentants » à une réunion publique .

La députée Cécile Rhillac a introduit son propos en disant qu’une concertation sur la direction d’école est inscrite à l’agenda social du ministère pour le 1er trimestre 2019. Or, celle-ci a été reportée à cause de la « loi pour une école de la confiance ». A son sens, il faut d’urgence que cette concertation ait lieu car la création d’un statut de directeur serait à prendre en compte pour le projet de budget 2020.

Elle déplore que les enseignants aient le sentiment de ne pas avoir été associés à la « loi pour une école de la confiance » et nous comprenons qu’elle sait très bien que ce n’est pas qu’un « sentiment » mais une réalité objective pour un texte construit et instruit au pas de charge. En ce sens, la salle de la mairie de Cuers est bondée, pleine d’inquiétude et de défiance. Cette même défiance s’étend jusqu’au seuil de la double porte d’entrée où beaucoup de collègues sont restés debout faute de places dans la salle.

La députée parait très investie dans cette mission. Ce qui est étonnant, c’est que finalement, elle semble parler en son nom propre (où peut-être joue-t-elle le rôle de « ballon-sonde » pour le Ministère). En tout état de cause, elle a des convictions sur le statut de directeur et la transformation de l’école. Elle notera les griefs des collègues (« qu’elle s’engage à faire remonter ») pendant les deux heures de discussion sans pour autant vouloir comprendre que la grande majorité de la salle rejette ses propositions. On peut donc légitimement se demander au nom de qui elle parle, pas des enseignants en tout cas.

La député Cécile Rhillac dresse un constat en 3 axes autour desquels elle construit ses propositions.

1 – Soulager les directeurs de leurs tâches administratives

  • Cécile Rhillac propose d’augmenter les décharges de direction : 50% à 5 classes et 100% pour 10 classes et au-delà, ce qui représenterait environ 3800 emplois à injecter. Elle explique qu’une des conséquences de cela, c’est qu’il n’y aurait plus de direction pour les écoles de moins de 5 classes mais un-e directeur-trice partagé-e entre  « 3 ou 4 écoles à 3 ou 4 classes ».
  • Elle propose d’assouplir l’usage du temps non déchargé où le-la directeur-trice n’aurait pas la charge d’une classe mais d’autres missions pédagogiques (formation, travail sur le climat scolaire etc…)
  • Concernant l’aide administrative elle explique que la majorité n’a pas l’intention de rétablir des emplois aidés sur ces missions, ni d’y fixer des services civiques. Les solutions envisagées sont : prendre les emplois sur les secrétariats d’IEN, obtenir du personnel municipal, demander le concours des équipes administratives des collèges, utiliser des étudiants en formation (ce que pourrait permettre la réforme de la formation des enseignants)
  • Financer du matériel : visiophone, téléphones portables etc…

LA CGT EDUC’ACTION ALERTE LES PERSONNELS :

  • Le statut de directeur d’école tel qu’il est envisagé par Mme Rhillac et la mission "flash" , c’est la suppression de la direction « de proximité » dans les écoles où le nombre de classes est faible. C’est un-e directeur-trice itinérant !

  • C’est la fragilisation des écoles dans les zones rurales où le partage de la fonction de direction pourrait conduire à des fusions d’écoles et à la disparition de ce dernier bastion du service public d’Etat dans certaines communes

  • L’Etat n’a aucune intention d’apporter son concours pour la recréation d’une aide administrative, laquelle devraient reposer sur les collectivités, sur une surcharge de travail des agents administratifs (déjà trop peu nombreux) dans les collèges, ou sur des étudiants bénévoles ou très mal payés.

2 – Revaloriser la fonction de directeur

  • La députée prévient (comme pour calmer la salle, au cas où sa proposition allait soulever l’enthousiasme) : « un statut c’est un concours de recrutement c’est une formation c’est une revalorisation indiciaire. Il n’y aura donc pas de directeur pour chaque école. Cela dépendra du nombre de classes et/ou du nombre d’élèves ». Elle sait que les directeurs-trices sont attachés à l’enseignement et prévient que devenir directeur-trice sera un véritable choix. Ces personnels deviendraient l’équivalent des IEN. Cela conduirait d’ailleurs à repenser la relation IEN/école.
  • Elle ajoute devant les craintes que « l’intention première, ce n’est pas que les directeurs d’écoles évaluent leurs collègues »… Peut-être est-ce l’intention seconde ?

LA CGT EDUC’ACTION ALERTE LES PERSONNELS :

  • Dans le cadre proposé par la députée le-la directeur-trice d’école ne serait plus vraiment un-e collègue, ce ne serait plus un-e enseignant-e. Au regard de la loi, et quoi que le gouvernement puisse annoncer, si l’obtention du statut dépend de l’obtention d’un concours n’importe qui peut passer ce concours et il n’y a plus aucune garantie que le-la directeur-trice soit issu-e du corps des instituteurs-trices ou des professeur-es des écoles

  • Cette prétendue reconnaissance de la fonction de directeur-trice c’est surtout l’occasion pour le gouvernement de mettre en place un manager/un chef/un DRH de proximité dont on place l’autorité hiérarchique au niveau de l’IEN. L’objectif est bien de contrôler les équipes pédagogiques.

3 – Penser une organisation innovante pour l’école

A travers cet axe là, Madame Rillhac souhaite surtout défendre l’Ecole des Savoirs Fondamentaux (ESF) qu’elle a portée avec beaucoup de zèle dans les travaux parlementaires.

Pour elle, l’ESF n’est pas une mise sous tutelle de l’école mais la création d’un réseau qui permettra la mutualisation de moyens (l’école utiliserait les moyens médico-sociaux, administratifs… des collèges) et l’émergence de grands projets d’école. Elle insiste d’ailleurs sur ce point « l’école ne vit qu’à travers son projet d’école, projet au service des élèves », elle ajoute d’ailleurs « oui, ce projet c’est de la charge de travail supplémentaire pour les enseignants mais c’est ainsi » ! De plus, il n’est pas du tout envisageable de revenir sur les 108 heures. D’une manière générale, les 108 heures sont largement dépassées par les collègues mais elle ajoute « avoir des réunions, c’est normal, et ça ne doit pas faire l’objet d’une rémunération supplémentaire » !!!.

Elle poursuit : l’ESF a une autonomie de moyens, un fonctionnement avec un conseil d’administration c’est un changement de logique juridique. Elle précise que la naissance d’un ESF doit faire l’objet d’un conventionnement par les collectivités territoriales mais que l’accord des équipes doit être incontournable, « les choses doivent venir du terrain ». Ce dernier point n’est pas dans la loi mais elle souhaite que ce soit précisé dans le décret d’application.

Elle répond au fait qu’il n’y a pas de phase d’expérimentation des ESF car elle n’était pas souhaitée. Pour la REM, ces expérimentations ont déjà existé avec succès (réseau ECLAIR) et existent avec succès. Pour les exemples récents, elle cite La Martinique ou « la catastrophe démographique » a conduit des écoles et collèges à se constituer en réseau, elle cite un réseau construit autour d’un projet d’école inclusive au Creusot qui inclut un lycée, quatre collèges et quinze écoles. Pour la députée, la vertu du cadre juridique de l’ESF c’est que les projets puissent perdurer dans le temps, au-delà des arrivées et des départs de collègues.

Enfin, elle précise que l’ESF n’est pas lié au projet de statut de directeur d’école.

LA CGT EDUC’ACTION ALERTE LES PERSONNELS :

  • Nous sommes dubitatifs sur cette annonce « l’accord des équipes doit être incontournable ». Nous savons que les fusions d’écoles relèvent de l’autorité des maires. Concernant l’ESF, un accord de la DSDEN et/ou du Préfet s’imposerait sur les décisions d’équipes.

  • Le gouvernement ouvre la possibilité d’une dangereuse reconfiguration de l’école française à travers ce qu’il présente comme « un outil supplémentaire pour aider les enseignants et les écoles ».

  • Par « le petit bout de la lorgnette » qu’il s’agisse du statut de directeur ou de l’ESF, la possibilité de regroupement et de mutualisation ouvre la voie à de considérables économies budgétaires.